« La vulnérabilité est au cœur de la honte, de la peur et de notre problème d’estime de soi. Mais c’est aussi la source de la joie, de la créativité, du sentiment d’appartenance et de l’amour. » – Brene Brown

Je me souviens de ce moment comme si c’était hier et pourtant, ça fait déjà sept ans. Je fais partie des personnes assises en cercle lors de l’une des soirées de cours que mon père donne sur les Fondements de l’Être humain. Je souris, mais à l’intérieur de moi je suis figée. Terrorisée.

Aux yeux de tous, je suis la fille de l’enseignant, donc je suis évoluée et je connais les fondements du cours de mon père. Donc la vulnérabilité, je sais ce que c’est.

D’autant plus que je suis intervenante en relation d’aide alors je sais vraiment ce que c’est.

D’autant plus que je milite pour le bien-être intérieur alors je sais VRAIMENT VRAIMENT ce que c’est.

Mais ce soir-là, mon père me regarde et je sens qu’il va me confronter gentiment. Parce que lui voit ce que les autres ne voient pas. Il lit en moi. Ce qui n’est pas nouveau mais d’habitude, il le fait en privé. Sauf que ce soir-là, ça fait quelques fois qu’il me reprend devant les gens en me rappelant que je suis ici pour moi et non pour jouer à la thérapeute…

Jouer à la thérapeute. C’est vrai que je porte ce masque-là ce soir-là, comme tous les autres soirs avant d’ailleurs…

Perdue dans mes réflexions, je n’entends pas la question que mon père me pose. Tout ce que je sais, c’est que plus d’une couple de paires de yeux me fixent et semblent attendre une réaction de ma part.

Je sors alors de mes pensées et je demande à me père ce qui se passe. Il me répète la question que je n’ai pas entendue : Pourquoi es-tu ici Josyane?  

Je fais mon sourire de thérapeute et je réponds : Pour améliorer ma relation de couple! Sans me quitter des yeux – il m’énerve tellement quand il fait ça – il me demande ce qui ne va pas dans ma relation de couple.

Mon chum de l’époque est assis à côté de moi. Je suis tellement contente de répondre que mon couple va mal parce que mon chum n’est pas ouvert et qu’il refuse de connecter profondément avec moi au niveau du cœur.

Mon père me fixe toujours, et il prend sa légendaire longue respiration bruyante. Je sais que je suis dans le trouble… Il me demande : En quoi es-tu responsable de cette situation?  

Le rouge me monte aux joues. C’est quoi le rapport? C’est mon chum le problème, pas moi!

Je tente de contenir l’émotion de honte et de gêne que je ressens à un point tel que j’ai l’impression que je vais exploser ou faire une crise cardiaque…

Les dents serrés, le sourire forcé et mes yeux qui lui disent ost**-tu-n’iras-pas-là-à-soir-devant-tout-le-monde-cri**, je souffle : J’comprends pas Papa…

Et là, son regard s’approche de moi comme Robin Williams avec Matt Damon dans Le Destin de Will Hunting, puis il me demande avec des mots remplis d’amour : Tu trouves ça difficile en ce moment, hein ma fille?

Et c’est là que j’explose, littéralement. Les larmes jaillissent malgré moi de mes yeux, la « steam » me sort par tous les pores de peau, je me mets à « shaker » de partout en secousse et je lance en me levant : « JE L’SAIS PAS COMMENT AIMER! J’RESSENS RIEN! RIEN PANTOUTE DANS MON CŒUR! ». Puis je cours vers la sortie de la salle, puis de l’immeuble où se donne le cours en braillant et en morvant, honteuse comme jamais, et en tabarn*** contre mon père qui m’a emmené là devant tout le monde.

Je pleure, je pleure, je pleure. Je passe des jours à pleurer.

Je réalise à quel point j’ai menti, joué la comédie, fait semblant d’aimer. Je réalise qu’au fond, je n’ai jamais vraiment ouvert mon cœur à personne. Ni à ma fille, ni à mon chum, ni À MOI-MÊME.

Courage : Provient du latin « cor » qui signifie « cœur » et sa définition originale était : raconter qui nous sommes avec tout notre cœur.

Je réalise que je n’ai jamais eu le courage de m’ouvrir à l’amour sincèrement et honnêtement avec tout mon cœur…

Quelques jours passent et je pleure encore. Épuisée de ne rien comprendre, j’appelle mon père et j’ose lui dire en pleurant : Papa, je dois être honnête, je ne ressens rien. Je « fake » mes émotions. JE LES CONTRÔLE SANS ARRÊT! Je suis vraiment pourrie ben raide Papa. Je suis désolée. Je pense que malgré tous tes beaux enseignements je ne suis pas capable d’aimer…

Et à ce moment précis-là, mon père se met à rire au bout du fil, il rit mais je le connais assez pour savoir qu’il est touché en même temps. Alors c’est plus fort que moi, je pars à rire aussi. Pis là on est crampés ben raide, moi assise par terre dans le coin de ma cuisine avec le téléphone sur l’oreille, puis lui couché dans son lit parce que oui, je l’ai appelé au beau milieu de la nuit…

Tout en riant et en pleurant, je lui demande pourquoi il rit. Et là il rit encore plus et moi aussi. Après au moins 5 minutes de rires et de pleurs mélangés – et je n’exagère honnêtement pas – il me dit finalement : C’est extraordinaire ma fille, parce que tu libères une grosse émotion : la peur d’aimer. Alors maintenant, tu pourras laisse émerger un nouveau sentiment : l’amour que tu portes… Les émotions et les sentiments sont souvent confondus. Tu « gelais » inconsciemment ton sentiment d’amour, à cause de l’émotion peur…

***

J’ai compris que je ne ressentais pas tout l’amour que je portais pour ma propre fille, parce que la simple idée de la perdre dans un accident ou qu’elle tombe malade me terrifiait.  

J’ai compris que je ne ressentais pas tout l’amour que je portais pour mon chum parce que la peur qu’il me laisse me terrorisait.  

J’ai compris que je ne ressentais pas tout l’amour que je me porte parce que la peur qu’on me rejette telle que je suis me paralysait.  

J’ai compris que n’avait AUCUN contrôle sur toutes ces éventualités, aussi apeurantes qu’elles puissent être.  

J’ai compris que c’est exactement ça la vulnérabilité. C’est aimer de tout notre cœur même si on n’a aucune certitude. C’est s’ouvrir vraiment. C’est s’ouvrir profondément…  

J’ai compris que la vulnérabilité n’est pas une faiblesse, c’est une grande force tranquille…    

***

« Nous vivons dans un monde vulnérable. Nous sommes conçus pour avoir des problèmes. Et nous méritons, malgré tout, l’amour. » – Brene Brown

La peine, la honte, la peur et la déception ne sont que quelques exemples d’émotions que nous tentons de cacher et de contrôler. En devenant vulnérable, j’ai choisi de m’en libérer. Et ça demande beaucoup de courage. J’accueille mon émotion, je la regarde, puis j’ose l’exprimer. Aussitôt, elle s’en va…

Depuis ce temps, je remarque également à quel point je construis aujourd’hui des relations beaucoup plus profondes. Je connecte de plus en plus souvent avec les gens ; non seulement avec les miens, mais avec mes amis, mes collègues, mes clients et parfois de purs inconnus. Le fait d’être vulnérable m’a fait découvrir un sentiment nouveau : la compassion. Les gens qui m’entourent la ressentent, et ressentent aussi le non-jugement.

Ça demande beaucoup de courage. Comme lorsque je dois accueillir la peur que 60 personnes ne me jugent pas à la hauteur dans un évènement où je donne une conférence. Mais je continue de pratiquer comme la semaine passée : je suis vulnérable et je nomme devant ces 60 personnes que si je respire vite, c’est que je suis nerveuse et que j’ai peur. Puis POUF! La magie opère. Je reprends mon pouvoir et je me donne la permission d’exister…

Alors toi, toi qui lit mon texte en ce dimanche matin, je t’invite à oser te montrer vulnérable pour une première, une deuxième ou une millième fois ce matin. Rejoins-moi et ouvre ton cœur toi aussi. Ça, c’est l’ultime courage. Rappelle-toi que derrière chaque émotion de peur se cache une intention de partager l’amour qui est en nous…

Avec tout mon amour et mon support à distance,

Josyane